La genèse des sirènes
Il était une fois un petit garçon et sa grand-mère qui vivaient sur l'île de Hœdic en Bretagne.
La vie n'était pas facile pour eux, ils étaient pauvres et affamés.
Chaque nuit, pour endormir l'enfant, la grand-mère, avec sa voix tremblante, racontait l'histoire du poisson d'or qui nageait dans les profondeurs de l'océan.
Un jour, la vieille dame a dit au garçon qu’elle devait se rendre dans un pays lointain.
Et parce qu’elle était vieille, elle n’aurait peut-être pas assez de temps pour revenir.
Avant de partir, elle l'a averti de ne pas devenir pêcheur, et de ne pas attraper le poisson d'or.
Un beau matin de printemps, elle est partie et n'est jamais revenue.
Le garçon a grandi et est devenu un solide gaillard.
Il a acheté un filet, un bateau et est allé à la recherche du poisson doré.
Le premier jour, il a capturé beaucoup de poissons, mais aucun n'avait d'écailles d'or.
Plein de générosité et de déception, il a donné toute sa pêche aux pauvres.
Un pêcheur s'est moqué de lui, car il avait donné une telle quantité de poisson.
Le lendemain, les riches, au courant de l'affaire, se sont rassemblés autour de sa barque.
À la remontée des filets, ils ont repoussé les pauvres et ont volé tout son poisson.
La nuit venue, alors qu'il cuisinait le poisson qu'il avait pu cacher, le garçon entendit frapper à la porte.
Il l'ouvrit prudemment et vit une vieille femme en guenille devant lui sur le seuil.
Elle ressemblait beaucoup à sa grand-mère perdue, même s'il avait oublié à quoi elle ressemblait vraiment.
— Qui êtes-vous ? Demande le garçon.
— Je suis une femme sans toit, abrite-moi, a répondu la femme.
Le garçon l'a autorisée à entrer. La maison, remplie de fumée, sentait bon le poisson frit.
— Je suis une femme affamée, nourris-moi, dit la vieille dame.
Le garçon a pris tout le poisson frit et il l'a donné à la vieille miséreuse.
— Tu es une bonne personne, demande tout ce que tu veux et je te le donnerai, dit la vieille femme en se régalant.
— Je veux attraper le poisson doré, déclare le garçon, sans y réfléchir à deux fois.
La femme lui sourit et commença à lui expliquer, d'une voix résignée, comment s'y prendre :
— Tu auras ton poisson si je meurs ce soir, si tu laisses tomber mon corps dans l'eau, si tu poses tes filets au même endroit et si tu attends jusqu'au matin. Surtout, ne touche pas aux écailles du poisson, ne tombe pas amoureux de lui et ne le suit pas.
Après avoir prononcé ces derniers mots, la vieille femme s'est endormie profondément.
Le garçon a aussitôt couru dans la cuisine, a attrapé un couteau et l'a tuée.
Il a pris son bateau et a navigué loin pour que les autres pêcheurs ne le voient pas.
Puis il laissa tomber dans l'eau le corps et les filets au même endroit, comme la vieille femme lui avait dit.
Il attendit jusqu'au matin puis remonta les filets et aperçut un gros poisson aux écailles dorées.
— S'il vous plaît, laissez-moi partir, supplie le poisson.
— Que me donnerez-vous en échange ? Demande le garçon.
— Une de mes écailles d'or, déclare le poisson.
Le garçon se souvint que la vieille femme l'avait averti de ne pas toucher les écailles, mais elles étaient en or et il était pauvre.
Alors il a touché les écailles et soudain l'avidité l'a envahi. Il a pris un couteau et a enlevé une par une toutes les écailles.
Quand il a eu fini, il a arrosé les restes du poisson et le fond du bateau pour les nettoyer.
Il a rassemblé toutes les écailles, et se dit que maintenant, il était très riche.
Puis il se retourna et vit que le poisson était devenu une belle femme nue.
Stupéfait, il a pris un filet pour recouvrir le corps de la femme inconnue.
— Qui êtes-vous ? Demande le garçon ébahi.
— Je suis la reine des profondeurs, mon royaume est à dix mille mètres sous la surface de la mer. J'y vis avec mes sujets, et nous mangeons les corps des humains noyés. Cette nuit, j'ai senti de la chair humaine et je suis ressuscitée des profondeurs, répond la femme.
— Vas-tu me manger ? S’inquiète le garçon.
— Non, parce que tu as pris mes écailles d'or et je suis devenue humaine et je ne peux pas manger de chair humaine.
Et je ne peux pas non plus retourner dans mon royaume, car les autres poissons me mangeraient.
Mais dans trois jours, je retrouverai mon état normal et je retournerai dans mon royaume.
Jusque-là, reste avec moi mon garçon. Elle s'est approché et a mis ses bras autour de son cou et l'a embrassé.
Alors il est resté avec elle. Elle était belle et il est tombé amoureux, bien que la vieille femme lui ait conseillé de ne pas le faire.
Ils ont vécu ensemble sur le bateau pendant trois jours et la reine des profondeurs a donné naissance à une paire de jumeaux.
Ils ressemblaient à des humains, mais avaient des queues de poisson.
— Je les appellerai sirènes, dit la reine en jetant ses nouveau-nés à l’eau.
Au troisième jour, la peau de la reine s'était entièrement recouverte d'écailles d'or.
— Je dois retourner dans mon royaume à présent. Au revoir mon amour, et ne me suit pas, dit la reine.
Elle plongea dans la mer, car elle était redevenue un poisson.
Le garçon, follement amoureux, lui sauta dessus pour la retenir, mais la reine le mordit et lui coupa les jambes.
Maintenant, le garçon ne pouvait plus la suivre, il retourna tant bien que mal au bateau, tandis que la reine disparaissait dans les profondeurs.
Il ne l'a plus jamais revue.
Quelque temps plus tard, des rumeurs sur l'apparition de certaines créatures étranges, mi-humaines et mi-poissons, ont commencé à circuler dans toute l'île.
— Je les ai vus, monsieur, je les ai vus nager près de moi. Ils avaient des queues de poisson, ils m'ont souri puis ont disparu. Je jure qu’ils existent, dit un serviteur en servant du thé à son riche maître.
— Je sais qu’ils existent, je suis leur père, dit le riche maître en colère.
Il a rapidement bu le thé et a demandé au serviteur de lui apporter ses jambes de bois.
— Monsieur, vous ne m'avez jamais dit comment vous aviez perdu vos jambes, dit le serviteur en apportant ses prothèses en bois.
— Asseyez-vous et je vous le dirai, répondit le maître.
Le serviteur s'est assis et le maître lui a raconté toute l'histoire que vous venez de lire.
Gilles
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